
Vincent Potié, le bâtonnier de Lille, a été en pointe lors du mouvement de grève des avocats contre la réforme de l’aide juridictionnelle, en octobre 2015. Il veut surtout éviter que ce sujet de l’accès des plus démunis au droit soit réduit à une question de tarif d’indemnisation des avocats pour cette mission qui s’apparente à un service public.
Il faut réfléchir de façon différente à la question de l’accès au droit. Aujourd’hui, les plus démunis n’osent même plus frapper à la porte d’un avocat. De même, les consultations que les avocats donnent dans les mairies ou les points d’accès au droit sont utiles, mais les personnes les plus fragiles, désocialisées, n’y vont pas. Or ce sont les droits des plus pauvres qui sont les plus compliqués à défendre. Ce sont des sujets techniques, comme les questions de l’habitat insalubre, et des populations qui ont du mal à respecter des horaires de rendez-vous et ne sont pas en mesure de fournir les nombreuses pièces justificatives imposées par les procédures. Il est indispensable que la chancellerie s’occupe de cette situation.
Il faut réfléchir avec des associations comme ATD Quart Monde, Emmaüs, les Restos du cœur ou encore le Secours catholique, car elles sont en mesure de détecter les difficultés et de nous adresser des dossiers. Les avocats devraient pouvoir se déplacer comme les médecins. Bien sûr, la question du niveau de l’indemnisation de l’aide juridictionnelle est aussi un vrai sujet.
Les tarifs de l’aide juridictionnelle ne permettent pas aux avocats de rentrer dans leurs frais. Les plus scandaleusement bas concernent le droit des étrangers, les hospitalisations sans consentement ou les comparutions devant le juge des libertés et de la détention.
La conséquence du niveau de ces indemnisations versées aux avocats pour défendre les plus démunis est que la seule façon d’être bénéficiaire est de faire de l’abattage et donc de mal défendre les personnes. C’est la perversité du système. Certains avocats peuvent ainsi gagner jusqu’à 10 000 euros par mois ou bien davantage uniquement à l’aide juridictionnelle. C’est totalement insupportable. Il faudrait que l’Etat reconnaisse sa responsabilité dans le développement de ce sale boulot.
Avocat est une profession libérale et doit le rester. Je ne peux pas être derrière un avocat qui choisit de consacrer quinze minutes à un dossier qui mériterait cinq heures de travail. En revanche, à Lille, nous avons donné pour consigne lors des permanences pénales et celles de droit administratif des étrangers de ne pas confier plus de quatre dossiers par avocat de permanence.
Dans certaines juridictions, il arrive que des avocats plaident dix dossiers ou plus au cours d’une même audience… Surtout, nous pouvons et devons veiller à leur compétence. C’est ça aussi, le contrôle qualité. Nous allons mettre en place des formations validantes, sanctionnées par un examen. Par exemple, les avocats qui veulent s’inscrire à la permanence du droit des étrangers devront non seulement s’inscrire à cette formation mais participer aux travaux la commission du barreau sur ce thème. L’objectif est que ceux qui pratiquent l’aide juridictionnelle soient au top de leurs spécialités.
Jean-Baptiste Jacquin
► L'article a été publié le 19 février 2016 sur lemonde.fr.
► Il n'existe aucun lien personnel, professionnel ou commercial entre l'auteur de l'article, son journal et le créateur de ce site, ayant simplement trouvé cet article par ses recherches et l'ayant sélectionné pour sa pertinence et sa qualité.
► Les problèmes décrits sont toujours d'actualité et identiques à Montpellier, comme partout en France. Heureusement, certains ont pensé à ramener de la poudre aux yeux.
► Amalgames et généralisations sur quiconque sont déconseillés, le vice (ou la vertu) peut apparaître partout.